SUR LE DOS DU POISSON-CHAT

鯰の背中の上 / SUR LE DOS DU POISSON CHAT

Julien Mellano / séjour de recherche et de prospection au Japon / octobre 2013

Depuis le XVIIème siècle, une légende japonaise parle du Namazu (ou Ōnamazu), poisson-chat géant vivant dans la vase des profondeurs de la terre, et sur l’échine duquel repose le Japon.
Le dieu Kashima le garde et le maintient en place avec une pierre. Mais parfois, le dieu relâche son attention et le Namazu se débat, provoquant de violents tremblements de terre…
Dans mon imaginaire le Japon apparaît comme un pays funambule qui trouve son équilibre dans une savante combinaison de paradoxes. Une puissance mondiale incontestable concentrée sur un territoire perpétuellement bousculé par les vibrations de sa masse terrestre. En réponse à la violence de ce phénomène naturel, la simplicité, le raffinement, l’élégance et la quête de perfection viennent depuis des millénaires affirmer la présence de l’homme dans ce paysage, non pas comme un bras de fer revanchard mais comme un contre poids qui viendrait rétablir l’équilibre.

DESTINATION
Je souhaitais un cadre de recherche qui me permette de confronter ma démarche avec une culture différente, pour déplacer mon point de vue et ma pratique artistique. Je me suis donc tourné vers le Japon tant pour ce qui me semblait profondément étranger que pour ce que je supposais proche de mes goûts, de mes aspirations.
Pour cette résidence et les projets à venir, le Japon me semblait un contexte propice à l’équilibre entre des repères brouillés (la langue, les mœurs, la philosophie, le paysage, les kamis*…) et des attirances familières (l’épure, le souci du détail, les métamorphoses), mais aussi un contexte animé par l’imaginaire débridé de la culture pop et des mondes virtuels, ses chimères, ses monstres et ses travers…
Étant généralement plutôt méfiant à l’égard des traditions, j’étais aussi très curieux de découvrir et de comprendre comment la société japonaise parvient à articuler, sans folklore et sans clivage, son histoire, ses traditions, sa pensée et ses croyances, avec le développement et la vivacité économique, technique, scientifique et culturelle qu’on lui connait. 
Je cherchais un contexte dans lequel la création contemporaine soit vive et préoccupée.
Je souhaitais aussi, sans en faire un sujet prédominant, plutôt en filigrane, ressentir l’onde de choc suite à la catastrophe du 11 mars 2011.
Je souhaitais prendre contact, concrètement, avec cet archipel et ses habitants, confronter ma vision lointaine et fantasmée du Japon avec la réalité du pays…
* êtres spirituels attachés à des objets sacrés.

RENCONTRES
Pour multiplier les rencontres et les points de vue sur la création contemporaine au Japon, j’ai construit cette résidence autour d’entrevues avec des metteurs en scène, des directrices et des directeurs de théâtres, de centres chorégraphiques, de festivals, de fondations… J’ai assisté à des répétitions de spectacles en création, des filages, des générales. Toutes ces rencontres, organisées avec le concours de l’excellente interprète Mariko Hara, furent l’occasion de découvrir de nombreux équipements culturels et leurs programmations, de comprendre leurs fonctionnements, leurs modalités de production et d’avoir un aperçu du paysage culturel actuel. Ces rencontres ont été également l’occasion de présenter ma propre démarche artistique et mes projets.

Je me suis bien sûr également intéressé à ce qui constitue l’identité du Japon, à l’articulation entre le patrimoine culturel lié aux traditions ou aux croyances, et la culture pop actuelle. J’ai observé la place importante de la nature dans la vie quotidienne des japonais, la variété et la subtilité de leur gastronomie, la cérémonie du thé… Au-delà de sa mission d’interprétariat, Mariko Hara m’a aussi guidé et accompagné pour me permettre de découvrir et de comprendre ce qui fait la particularité du Japon. La combinaison de rendez-vous professionnels avec des rencontres amicales, des discussions, des flâneries solitaires et des visites tous azimuts, m’aura permis de rassembler une collection d’impressions qui constitue le point de départ et la matière première d’un nouveau projet de création : LE FRISSON DES PASTILLES

Séjour de recherche et de prospection
réalisé avec le soutien de L’Institut Français
au titre de sa convention avec la Région Bretagne

chronique de résidence